" Karl Moor, justicier ou aventurier dans Les Brigands de Schiller ": Pirates-aventurier-Explorateurs

Lorsque Schiller compose Les Brigands, entre 1778 et 1780, il est âgé d'une vingtaine d'années. Il termine ses études de médecine à l'Académie militaire fondée par le duc de Wurtemberg, figure paternelle étouffante, contre laquelle le jeune dramaturge nourrit une sourde révolte. Il n'est donc pas étonnant qu'il projette cette contestation sur le héros principal de la pièce, le jeune Karl Moor, à la fois alter ego, expression de son moi idéal et incarnation de ses pulsions obscures. En lui Schiller portraiture le Stürmer und Dränger type, avec son extrémisme, sa fougue, sa générosité, sa déraison et sa folie dangereuse. Un tel personnage ne peut se satisfaire d'un mode d'existence réglée et tranquille tel que l'impose la société organisée. Karl Moor, se croyant rejeté par son père, rompt avec sa famille, se place à la tête d'une troupe de brigands, et organise des expéditions au cours desquelles il s'empare d'un butin, réparti ensuite entre ses hommes. En ce sens, il correspond bien à l'image habituelle de l'aventurier, appellation en générale péjorative, désignant un individu, ennemi des normes et des règles bourgeoises, menant une vie mouvementée, et présentant au moral, un caractère audacieux, aimant de risque et dénué de scrupules. Cependant, à ce profil banal de l'aventurier, Schiller, le moraliste, ne peut s'empêcher d'en superposer un autre, celui du justicier. Si son héros se fait brigand, c'est, prétend-t-il, par dégoût d'une société dépravée, c'est pour se faire le défenseur de la veuve et de l'orphelin, et reprendre à des riches corrompus leur fortune pour la distribuer aux pauvres. Karl Moor, peut apparaître, à maints égards, comme une préfiguration littéraire et intellectuelle du personnage populaire contemporain de Zorro